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Comment gérer ses émotions ? | Spinoza

Cet article est un résumé de l’excellent livre Spinoza avait raison écrit par le neurologue Antonio R. Damasio.

Le meilleur dans tout ça ?

Vous verrez que selon l’auteur, la science confirme aujourd’hui la géniale intuition du philosophe à propos des émotions.

En résumé : si vous voulez comprendre comment gérer vos émotions, cet article vous y aidera !

Allons-y…

La mécanique des émotions

Que sont les émotions ?

Les émotions sont le moyen naturel pour le cerveau et l’esprit :

  • D’évaluer, consciemment ou non, l’environnement à l’intérieur et hors de l’organisme
  • De répondre de façon adéquate face à un stimulus

En pratique, les émotions sont le résultat de réponses chimiques et neurales qui se passent dans le corps.

De nombreuses réactions émotionnelles sont programmées dans notre ADN.

On parle alors de réactions innées.

Ces réactions innées sont automatiques et stéréotypées.

Ce qui signifie qu’elles se déclenchent automatiquement devant des situations pré-établies par le cerveau.

Beaucoup d’autres réactions vont au contraire être le fruit de l’expérience vécue.

Qu’elles soient innées ou acquises, la plupart des émotions se manifeste de manière visible sur le corps.

On distingue alors 6 types d’émotion :

  • La joie
  • La tristesse
  • La peur
  • L’orgueil
  • La honte
  • La sympathie

Ces émotions sont interconnectées avec les pensées.

Les unes peuvent susciter les autres et vice versa.

Comme on va le voir maintenant, sentiments et émotions sont deux choses différentes.

Que sont les sentiments ?

Si les émotions sont visibles, les sentiments sont eux cachés.

Ce sont des perceptions qui traduisent dans l’esprit ce que le corps ou l’esprit ressent.

Ils peuvent être l’étape qui succède aux émotions.

Dans ce cas, les sentiments sont des émotions « raffinées ».

Par exemple, une joie initiale peut donner lieu à un sentiment d’amour.

Mais les sentiments peuvent aussi provenir directement d’une source non émotionnelle.

Par exemple, une douche chaude donne directement lieu à un sentiment de chaleur et de confort.

Aussi, comme nous l’avons déjà tous remarqué, les sentiments s’accompagnent souvent de production d’images mentales.

Si nous ressentons du bien-être, les images défilent à toute vitesse.

Si au contraire nous sommes tristes, nous projetons très peu d’images mais devenons hyper focalisés sur chacune d’elles.

Nous allons maintenant voir le processus à l’origine du déclenchement des émotions et des sentiments.

Attention, c’est aussi rapide que passionant !

Comment se déclenchent les émotions et les sentiments ?

Synapses neuronales

L’apparition des émotions puis des sentiments se fait en 8 étapes :

Étape 1 : apparition d’un stimulus émotionnel actuel ou remémoré.

Étape 2 : changement de l’état du corps (milieu interne, température etc.).

Étape 3 : acheminement du stimulus au cerveau et activation de cartes corporelles spécifiques dans certains sites cérébraux (cortex insulaire etc).

Étape 4 : envoi de signaux aux sites cérébraux responsables du déclenchement des émotions (amygdale, cortex préfrontal ventromédian, cortex cingulaire etc.).

Étape 5 : envoi de signaux aux sites cérébraux responsables de l’exécution des émotions (hypothalamus etc.).

Étape 6 : l’émotion se déclare et se reflète dans l’état du corps par rétroaction (par exemple avec un mal de ventre, des rougissements etc.).

Étape 7 : l’émotion donne lieu à un sentiment qui se reflète dans l’état d’esprit.

Étape 8 : activation des zones cérébrales responsables de la prise de décision (thalamus et cortex préfrontal via des boucles thalamo-corticales etc.).

3 faits intéressants à noter ici :

  • Il y a dans le cerveau des sites qui déclenchent spécifiquement l’émotion de joie et d’autres qui déclenchent spécifiquement l’émotion de tristesse.
  • La première réaction émotionnelle survient avant l’analyse rationnelle.
  • Chez l’enfant, les zones cérébrales responsables des émotions deviennent matures beaucoup plus rapidement que les zones cérébrales responsables de la raison. En effet ces dernières zones se développent surtout à l’adolescence et au-delà.

Bien sûr, plusieurs molécules et hormones sont impliquées dans le déclenchement des émotions.

On peut citer par exemple :

  • L’oxytocine
  • La vasopressine
  • La dopamine
  • La sérotonine
  • Etc.

Que se passe-t-il par exemple si vous rencontrez une personne qui vous plait ?

Des réactions chimiques se produisent soudainement dans le corps.

La composition du milieu interne change.

Des signaux neuronaux se précipitent au cerveau.

Les cartes corporelles du plaisir s’activent.

La température, la respiration, les muscles s’en trouvent affectés.

Des contractions se réalisent à certains endroits, des relâchements à d’autres.

L’imagination bat son plein.

Le désir voit le jour.

Interférences dans la mécanique émotionnelle

De manière assez surprenante, le cerveau peut simuler de façon interne certains états émotionnels du corps.

Par exemple l’activation de certaines cartes corporelles est souvent responsable d’hallucinations auditives ou visuelles.

Ou bien de douleurs fantômes sur un membre amputé.

Dans cette chimie des émotions, le corps fabrique naturellement plusieurs classes d’opioïdes : endorphines, endomorphines, enképhalines, dynorphines etc.

Plusieurs substances chimiques néfastes peuvent alors interférer avec la transmission des signaux neuronaux responsables des émotions.

C’est le cas de drogues comme la cocaïne ou les amphétamines qui agissent sur le système dopaminergique.

On peut citer aussi l’exemple de l’ecstasy qui agit sur le système sérotoninergique.

Ou bien encore l’exemple de l’alcool qui va lui agir sur les récepteurs du Gaba et les récepteurs NMDA.

Que sont les cartes corporelles ?

Les cartes corporelles sont des cartes fabriquées par le cerveau.

Certaines sont innées, d’autres se créent avec le temps.

Ces cartes s’activent en présence d’un certain état du corps.

Par état du corps, il faut comprendre tout un tas d’indicateurs comme la composition du milieu interne, le pH, la température, la pression sanguine, l’activité musculaire, respiratoire, viscérale etc.

Selon la valeur des indicateurs qui remonte au cerveau, le cerveau va activer telle ou telle carte corporelle (carte A ; B ou C dans l’exemple ci-dessous).

L’activation d’une carte corporelle va à son tour activer les émotions puis les sentiments correspondants.

Il faut savoir que même si le cerveau détient énormément de cartes corporelles, il en produit sans cesse de nouvelles.

Cartes corporelles dans le cerveau

Une étude finlandaise menée par l’équipe du Dr Lauri Nummenmaa sur 701 participants a par exemple clairement montré comment des niveaux de température dans certaines parties du corps étaient associées au déclenchement d’émotions particulières.

Thermographie des émotions

Sans surprise, une chaleur intense dans tout le corps est associée à la joie.

Alors qu’une froideur généralisée du corps est associée à la tristesse.

Par ailleurs, même si cela semble contre-intuitif, c’est toujours des modifications de l’état du corps qui entraînent le déclenchement d’émotions.

Jamais l’inverse.

Bien sûr les émotions pourront alors en retour accentuer ou non par rétroaction les modifications que subit le corps.

Les émotions, amies ou ennemies ?

Les émotions sont nos amies

Comme vous le savez, l’être humain est une « machine » extraordinaire de complexité.

Si l’évolution récente de plusieurs centaines de milliers d’années a jugé utile de maintenir les émotions chez l’être humain, c’est que ses émotions aident incontestablement à sa survie.

Des émotions telles que le dégoût et la peur nous ont en effet aidé à nous protéger de dangers bien réels.

Par exemple à fuir des prédateurs.

Autre intérêt capital des émotions, celles-ci participent activement au processus d’homéostasie du corps.

Qu’est-ce que l’homéostasie ?

On parle d’homéostasie pour désigner l’ensemble de phénomènes par lequel des facteurs clés tels que la température sont maintenus autour d’une valeur bénéfique pour le corps.

De même que notre corps nous aide à cicatriser lorsque l’on se blesse, les émotions sont le moyen pour notre cerveau de nous signaler qu’il faut nous ajuster par rapport à une situation donnée.

Il faut ici remarquer que les sentiments sont un puissant facteur d’adaptation devant un monde qui nous entoure devenu de plus en plus complexe.

Les émotions sont nos ennemies

Comme les réactions émotionnelles reposent essentiellement sur des principes automatiques et stéréotypés, les réponses premières ne sont pas toujours les plus adaptées devant une situation donnée.

Damasio explique par exemple que selon lui :

« Les réactions qui donnent lieu aux préjugés ratiaux et culturels sont en partis fondés sur le déploiement automatique d’émotions sociales ».

C’est là bien-sûr un écueil dans lequel il ne faut pas tomber.

Et c’est pourquoi, la réaction émotionnelle doit souvent être équilibrée par la raison.

« Un homme ça s’empêche. »

Albert Camus

Les réactions émotionnelles sont ainsi à rapprocher des phénomènes de conditionnement.

C’est ce conditionnement émotionnel qui peut entretenir par exemple certaines phobies.

Et c’est aussi pourquoi les thérapies cognitives et comportementales s’appuient souvent sur la nécessité de briser ce schéma de conditionnement nocif.

Émotions et prise de décision

Trois choses nous guident dans la prise de décision :

1. Les cartes corporelles associées aux situations semblables que l’on a connu par le passé

2. Les sentiments multiples que l’on ressent à l’instant t

3. La raison

Le cerveau interroge sans cesse ces 3 tableaux pour parvenir à une décision.

Comme on vient de le voir, les émotions sont à la fois nos amies et nos ennemies.

Cela signifie que peu importe leur nature, négative ou positive, elles sont une réaction instinctive du corps et de l’esprit devant une situation donnée.

Charge ensuite à la raison d’entrer en scène pour les remettre en perspective et moduler leurs expressions.

L’intérêt étant de ne pas se laisser embarquer dans des réactions inappropriées pour nous et pour les autres.

C’est là tout l’exercice de l’apprentissage de la vie et du développement de l’intelligence émotionnelle.

Voyons maintenant ce qu’en pensait Spinoza il y a plus de 3 siècles…

Le secret de Spinoza pour gérer ses émotions

Conatus

Spinoza est un philosophe néerlandais né en 1632 et mort en 1677.

C’est un contemporain de Louis XIV, Locke, Newton et Leibniz.

Il fait partie du courant des philosophes modernistes rationalistes.

Son influence dans l’histoire de la philosophie est considérable !

Et l’apport de sa philosophie concerne notamment la gestion des émotions.

Selon lui par exemple, corps et esprit sont issus de la même substance.

Sa vision non-dualiste des choses met ainsi sur un pied d’égalité corps et esprit.

Si cette conception est mieux respectée aujourd’hui, elle tranchait avec la pensée de son époque.

Car au XVIIème siècle, de nombreux penseurs comme Descartes affirmaient la prédominance de l’esprit sur le corps.

Ainsi Spinoza, dans son ouvrage le plus célèbre, l’Éthique, qu’il a mis plus de 15 ans à écrire, fait référence à deux concepts que l’on peut relier aux réactions émotionnelles.

Le concept de Conatus qui représente pour Spinoza l’effort continu et inné de l’être vivant à se préserver dans son être. Un concept qui va au-delà du simple instinct de conservation.

Le deuxième concept est celui des Appétits. Ces appétits représentent pour le philosophe la forme que prend le conatus chez l’être humain.

Ainsi pour Spinoza, émotions et sentiments sont des appétits participant directement à la préservation de l’être.

Et selon Damasio, comme on l’a vu plus haut, la science récente confirme cette idée spinoziste.

Spinoza pousse même l’analyse plus loin puisqu’il renvoie aussi dans l’Éthique au caractère déterministe de l’être humain :

« Je considérerai les actions et les appétits humains de même que s’il était question de ligne, de plan ou de corps. »

Équanimité

L’équanimité consiste dans le fait de rester serein devant les évènements agréables ou désagréables de la vie.

C’est un principe très fort chez les bouddhistes et les stoïciens.

Spinoza reprend ce principe à son compte.

Selon lui, pour parvenir à cet état de sérénité vis à vis des évènements positifs ou négatifs de la vie, il faut :

  • Faire passer les émotions par le filtre de la raison
  • Éviter les stimuli responsables d’émotions négatives durables, émotions à l’origine de ce qu’il appelle les passions tristes
  • Renforcer les stimuli responsables d’émotions positives durables

Spinoza explique par exemple que :

« Un sentiment ne peut être contrarié ou supprimé que par un sentiment contraire et plus fort que le sentiment à contrarier. »

Autrement dit, et c’est ici la conclusion de cet article,

Selon Spinoza, pour bien gérer ses émotions :

Il faut grâce à la raison briser le schéma répétitif d’émotions négatives et le remplacer par des occasions d’émotions positives.

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